Trafic : Quand les regrets d’un ex-proxénète résonnent jusqu’à l’Assemblée nationale

Trafic : Quand les regrets d’un ex-proxénète résonnent jusqu’à l’Assemblée nationale

Trafic : Quand les regrets d’un ex-proxénète résonnent jusqu’à l’Assemblée nationale

Nous sommes à l’été 2018 et une intervenante en Centre Jeunesse avec qui la réalisatrice Catherine Proulx et moi sommes restées en contact après avoir fait un projet ensemble nous dit que, dans le cadre d’une recherche, ils ont commencé à enregistrer des entrevues avec d’ex-proxénètes qui acceptent d’expliquer les coulisses de leur industrie.

Un témoignage déconcertant

Un d’entre eux accepte de nous rencontrer afin de décider s’il accepte de rendre son entrevue publique. Il nous reçoit chez lui et nous prend un peu par surprise, quand, sa fille sur les genoux, il nous explique que la solution selon lui, serait d’investir dans les cours d’éducation sexuelle dans les écoles. Il nous dit que, pour lui, ça aurait pu faire une différence.

Dans son entrevue, il dit que :

« Montréal aime ça jeune, très jeune »

Cette phrase, c’est celle qui nous a décidée à faire Trafic, une enquête documentaire sur l’exploitation sexuelle des jeunes filles sous forme de balado et de série web.

« Elles ont pas besoin de moi. C’est moi qui leur fais croire qu’elles ont besoin de moi. Moi je m’en fous d’elles. Moi je veux juste abuser d’elles. Les gars, quand tu tournes ton dos, ils disent “petite salope”, “esti de pute”, “elle vient juste de fourrer avec cinquante gars et me donner tout cet argent-là”, “esti, elle se respecte pas”. Elle a oublié c’est quoi la valeur d’une femme. So toi, tu prends avantage de ça. C’est pas n’importe quelle femme qui va accepter ça, mais si elle accepte, tu viens de gagner au jackpot. »

-Témoignage d’un ex-proxénète

À la base, le projet souhaite montrer la réalité à travers trois points de vue : la jeune fille, le proxénète et le client.

Mais plus nous avançons dans nos recherches, plus nous avons de la difficulté à trouver des clients qui sont pourtant ceux pour qui l’exploitation existe.

C’est ce qui déterminera l’angle du balado : Trafic : à la recherche du client

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Production d’impact : l’impact politique du projet

Devant l’important succès du balado à sa sortie en février 2019, Télé-Québec nous demande de produire une adaptation télévisuelle du projet qui sera diffusée en novembre 2019. Dans nos entrevues promotionnelles, nous insistons sur le message que l’ex-proxénète nous a partagé : l’importance de l’éducation sexuelle.

La sortie du film coïncide avec le moment où le gouvernement du Québec tient une commission parlementaire sur l’exploitation sexuelle des jeunes. À notre grande surprise, on nous invite à y présenter les conclusions de notre enquête documentaire devant les députés de la commission.

La productrice Karine Dubois et la réalisatrice Catherine Proulx se retrouvent donc l’Assemblée Nationale, la semaine précédant la diffusion du documentaire à la télé ce qui permet d’obtenir un maximum de couverture médiatique.

En décembre 2020, à peine un an et demi après lui avoir parlé pour la première fois, nous écrivons à notre source pour lui dire que le rapport de la Commission a été déposé et que 3 recommandations portent sur l’éducation sexuelle.

Recommandation n°10

La Commission recommande que le ministère de l’Éducation intègre un contenu adapté, spécifique à la prévention et aux risques de l’exploitation sexuelle des personnes mineures au cours d’éducation à la sexualité au primaire et au secondaire. La Commission recommande que les thèmes suivants soient abordés au cours d’éducation à la sexualité, notamment le consentement, le respect, l’accomplissement personnel, l’estime de soi, les relations interpersonnelles saines, l’exploitation sexuelle, les méthodes de recrutement, un usage sécuritaire des médias sociaux et des technologies de l’information.

Recommandation n°11

La Commission recommande que les cours d’éducation à la sexualité soient donnés par du personnel enseignant formé à cet effet, et appuyé par des sexologues ou autres professionnels qualifiés.

Recommandation n°12

La Commission recommande que le gouvernement du Québec mène une vaste campagne de sensibilisation pour les enfants et leurs parents afin de faire connaître les conséquences liées à un usage risqué des technologies, des applications et des réseaux sociaux ainsi qu’à les outiller pour reconnaître les situations à risque d’exploitation sexuelle dans l’univers virtuel.

Source : Rapport de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs / Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs

C’est ce résultat, qui a scellé la position centrale que nous avons décidé de donner à la production d’impact dans notre travail.